mardi 21 septembre 2010

Reflexion sur l'art d'aujourd'hui

Extrait d'une interview à Luc Ferry, philosophe
Le jugement esthétique est-il encore possible quand il n’y a plus de consensus sur la définition de l’art ou du beau ?
Vous dites vrai, sauf sur un point : devenir riche et célèbre reste terriblement difficile. Hirst ou Christo ont des équipes énormes derrière eux, ils dépensent des fortunes pour se mettre en scène et ils ont un sens formidable du marketing. C’est tout un travail, du même ordre que celui qui consiste à vendre un nouvel iPhone. Mais là où vous avez raison, c’est que, dans les siècles passés, l’oeuvre était plus importante que l’artiste. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle était d’abord et avant tout conçue comme la belle incarnation d’une “grande idée”, d’une idée plus importante que l’auteur, dans un matériau sensible.
L’art, c’était d’abord la mise en scène de symboles éthiques, intellectuels ou spirituels majeurs, communs à un peuple ou à une époque, donc plus grand que l’artiste, dans une réalité qui semble a priori réfractaire à l’esprit : le marbre du sculpteur, la couleur du peintre, les vibrations sonores du compositeur… L’art grec, par exemple, cherchait à traduire par le visage calme et serein des statues, par la juste proportion des corps ou des temples, une vision générale de l’univers où l’harmonie cosmique joue un rôle central. Le Moyen Âge célébrait de mille façons les splendeurs du divin. Avec l’art hollandais, magnifique héritier de la réforme protestante, une troisième révolution s’opère, à nulle autre pareille :c’est désormais l’humain comme tel qu’il s’agit de mettre en scène. Dans les toilesdePieter De Hooch, Ter Borch, Jan Steen, Van Brekelenkam, Van Ostade ou Vermeer, les personnages représentés n’appartiennent plus nécessairement à la mythologie grecque ou à l’Histoire sainte. Ils ne sont pas non plus forcément des “grands hommes”, les héros de batailles fameuses, mais de simples humains : une laitière qui prépare sa crème, une femme qui s’est déchaussée pour lire un roman, une fillette jouant avec son petit chien, des hommes dans une taverne en galante compagnie, une épouse qui se querelle avec un mari aviné… Bref, l’idée à incarner de façon belle dépassait de loin la petite personne de l’artiste, elle appartenait à un monde com mun à tout un peuple, voire à toute une époque.
Aujourd’hui, l’originalité et l’innovation priment tout. C’est donc l’artiste qui se met en scène. À peu près personne, à Leipzig, ne connaissait le nom de Bach, mais nombreux sont ceux qui l’écoutaient dans les églises. Tout le monde connaît Boulez et Stockhausen, mais qui écoute leurs oeuvres ?

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http://www.bulletingaulois.fr/article-luc-ferry-un-art-qui-ne-vise-qu-a-choquer-57431226.html

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